Bulletin du 7 mars 2024 - Puis-je totalement écarter mon conjoint de ma succession si la procédure de divorce n’est pas terminée ?
Pour rappel, le conjoint est un héritier protégé, appelé héritier réservataire. Il ne peut pas être totalement déshérité de manière volontaire (c’est-à-dire par voie testamentaire). Sa part légale dans la succession équivaut à la moitié de la succession lorsqu’il hérite en concours avec les enfants du défunt. Dans ce cas-là sa part réservataire (part protégée) est d’un quart de la succession. En revanche, la part réservataire du conjoint survivant correspond à la moitié de la succession lorsque le défunt n’a pas d’enfant.
Jusqu’au 31 décembre 2022, il était impossible d’écarter totalement son conjoint de sa succession, même s’il jouait la montre pour conserver sa qualité d’héritier réservataire en prolongeant inutilement la procédure de divorce.
Une modification importante du droit matrimonial est entrée en vigueur le 1er janvier 2023. Elle est malheureusement passée pratiquement inaperçue aux yeux du public. Cette modification permet d’éviter les conséquences pénibles d’une situation telle que celle décrite ci-dessus.
Pour s’assurer que le conjoint ne puisse bénéficier de droits héréditaires si le décès intervient durant la procédure de divorce il faut écarter deux obstacles : le premier est le droit à la part réservataire du conjoint survivant et le second est son droit à sa part légale à la succession au même titre que n’importe quel autre héritier légal.
Concernant le premier obstacle, à savoir le droit du conjoint à sa part réservataire, il est important de rappeler que le régime légal prévoit désormais à l’article 120 al. 3 du Code civil que « sauf clause contraire, les époux perdent tous les avantages résultant de dispositions pour cause de mort… [c’est-à-dire testament ou pacte successoral ou contrat de mariage] au moment du divorce ou au moment du décès si une procédure de divorce entraînant la perte de la réserve du conjoint survivant est pendante ».
En cas de divorce, la situation est suffisamment claire et ne nécessite aucune explication particulière : une fois le divorce prononcé, les conjoints n’héritent plus l’un de l’autre qu’il y ait ou non des dispositions pour cause de mort ; la part réservataire n’est donc plus protégée. En cas de décès, la situation est plus complexe.
Les dispositions pour cause de mort entre conjoints deviennent sans effet si une procédure de divorce entraînant la perte de la réserve du conjoint survivant est pendante. Cette dernière condition est remplie « … si la procédure de divorce est ouverte sur requête commune des conjoints ou si les époux ont vécu séparés pendant deux ans au moins au moment du décès » (art. 472 CC). Dans les deux cas de figure décrits ci-dessus, le conjoint survivant perd la protection de sa réserve héréditaire de par la loi tout comme les avantages liés aux dispositions pour cause de mort.
Concernant le second obstacle, à savoir le droit du conjoint survivant à sa part légale, celui-ci demeure tant et aussi longtemps que le divorce n’est pas prononcé et ce même si les conditions des art. 120 al. 3 et 472 CC précités sont réunies. De ce fait, il continue néanmoins à pouvoir prétendre à ses droits légaux dans la succession de son futur ex-conjoint. Ce dernier n’étant plus héritier réservataire, il peut désormais être écarté de la succession par voie testamentaire comme n’importe quel autre héritier légal. Le de cujus - la personne qui va mourir - peut alors favoriser ses descendants ou d’autres personnes en lieu et place de son futur ex-conjoint. Naturellement cette solution nécessite une démarche proactive de la part de la personne qui souhaite se préserver des intérêts d’un conjoint profiteur. Pour ce faire il devra se rendre chez son notaire et planifier sa succession de façon précise et sans équivoque.
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