Bulletin du 30 septembre 2024 - Détermination de la hausse de loyer admissible après des travaux de rénovation ; la jurisprudence tant attendue du Tribunal fédéral en matière de droit du bail
Dans un arrêt daté du 30 juillet 2024 (arrêt du TF 4A_75/2022 destiné à publication), le Tribunal fédéral a tranché une question de principe en suspens depuis plusieurs années.
Ainsi, lors d’un calcul de hausse de loyer consécutif à des travaux de rénovation, les investissements à plus-value financés par des fonds propres doivent être rentés au taux de 2% en sus du taux hypothécaire de référence (en vigueur au moment de la notification de hausse de loyer) lorsque ce dernier est égal ou inférieur à 2%.
Le taux admis est le même que celui précédemment défini dans le cadre du calcul de rendement net en 2020 (ATF 147 III 14 c. 8.4). A cette époque, le Tribunal fédéral avait principalement justifié son revirement de jurisprudence (2% et non plus 0.5%) par la baisse continuelle du taux hypothécaire de référence au fil des années (passé de 5.5% en 1986 à 1.25% en 2020) ainsi que par le rendement insuffisant des immeubles tant pour les bailleurs institutionnels que privés (cf. ATF 147 III 14).
A la suite de l’arrêt de 2020, les auteurs étaient partagés quant à la transposition de cette nouvelle jurisprudence au calcul de rendement du capital créateur de plus-value (cf. art. 14 al. 4 OBLF).
Comme évoqué ci-dessus, c’est par l’affirmative que notre Haute Cour a finalement tranché la question.
Elle a en effet considéré qu’il y avait lieu de maintenir le parallélisme (déjà existant sous l’empire des anciennes jurisprudences) entre la rémunération des fonds propres lors de la fixation initiale du loyer (méthode absolue) et celle de l’investissement à plus-value en cours de bail (méthode relative). Cette solution s’avère de plus conforme au but visé par le législateur, à savoir inciter les bailleurs à entretenir leurs immeubles et effectuer des travaux de rénovation (cf. notamment arrêt du TF 4A_409/2022 du 19 septembre 2023 c. 7.3.2).
Si ce nouvel arrêt reste une bonne nouvelle pour les propriétaires, il y a toutefois lieu de le relativiser.
Pour commencer, cette jurisprudence trouve application uniquement si les travaux de rénovation (ou une partie du moins) ont été financés par des fonds propres (exclusion des fonds empruntés).
De plus, on rappelle que la totalité de l’investissement consenti ne peut être qualifiée de « travaux à plus-value ». Au préalable, il faut ainsi déterminer la part des travaux pouvant immédiatement être indexée et rentée (« travaux à plus-value ») et celle s’apparentant à de l’entretien.
C’est finalement dans cette sous-catégorie (« travaux d’entretien ») que l’arrêt de juillet 2024 a un réel impact puisqu’il précise la manière dont l’entretien dit « extraordinaire » (par opposition à l’entretien ordinaire ; exemples : chaudière, ascenseurs, toiture, prises d’eau, fenêtres et/ou stores, etc.) doit être pris en considération dans le calcul permettant de fixer l’éventuelle hausse de loyer. Le Tribunal fédéral retient qu’il sied de tenir compte du taux de l’intérêt hypothécaire (correspondant au taux hypothécaire de référence augmenté de 2% divisé par deux) ainsi que d’un amortissement.
Partant, l’augmentation admise reste modérée dès lors que l’intérêt du capital propre investi pour les travaux à plus-value est divisé par deux dans le calcul fondé sur l’art. 14 al. 4 OBLF.
A cela s’ajoute le fait qu’à l’échéance de la durée d’amortissement, le bailleur ne peut plus répercuter la part d’entretien extraordinaire sur le loyer étant précisé qu’au terme de cette période, de nouveaux travaux d’entretien, plus ou moins extraordinaires, ont généralement remplacé les précédents.
Au vu de ce qui précède, il est vivement conseillé aux bailleurs ainsi qu’à leur(s) éventuelle(s) gérance(s) d’effectuer un calcul conforme aux exigences du Tribunal fédéral, notamment s’agissant de la prise en compte des travaux d’entretien extraordinaire, avant de notifier des hausses de loyer consécutives à des travaux de rénovation.
Ceci permet non seulement de connaître les augmentations de loyer qui pourraient être validées par les tribunaux en cas de contestation mais également d’expliciter la méthode appliquée ainsi que les chiffres obtenus à tous les locataires qui pourraient le souhaiter. En effet, force est de constater que bien des procédures sont évitées lorsque des explications circonstanciées sont données.